Vous avez dit compensation carbone ?
Instaurée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)1, feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique, vise à réduire les émissions de CO2eq de la France d’un facteur 6 entre 1990 et 2050.
La France atteindrait un niveau d’émissions considéré comme incompressible, notamment en raison des activités agricoles, des procédés industriels et du maintien des transports aériens domestiques : 80 Mt CO2eq. Afin d’atteindre la neutralité carbone, c’est à dire retrouver un équilibre entre les émissions et les absorptions de CO2eq, il convient donc d’augmenter - de doubler plus précisément - la capacité des puits de carbone ; les puits naturels (forêts et terres agricoles françaises) mais aussi les technologies de capture et de stockage du carbone (CSC).
Qu'est-ce que la compensation carbone ?
La compensation carbone est un mécanisme financier visant à soutenir des projetsentraînant la réduction ou la séquestration de gaz à effet de serre (GES). Celle-ci peut-être mise en œuvre au niveau d’un État, d’une entreprise ou d’un individu. Lorsque le projet decompensation carbone respecte des règles précises - Additionnalité, Mesurabilité, Vérifiabilité, Permanence - , il peut se voir délivrer des « crédits carbone », une unité équivalente à une tonne de CO2 évitée ou séquestrée.
Plusieurs organismes de certification participe aujourd’hui à la professionnalisation du secteur :
- Gold standard ou Verified Carbon Standard (Verra) à l’international ;
- Le Label bas-carbone en France, cadre innovant et transparent, porté par le ministère de la Transition Écologique et qui permet le financement de projets locaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les entreprises et organisations ont-elles l’obligation de compenser leurs émissions ?
L’Union européenne a mis en place depuis 2005 un marché du carbone pour mesurer, contrôler et réduire les émissions des industriels et des producteurs d’électricité présents sur son territoire. Les émissions planchers sont définies par l’autorité publique qui distribue (gratuitement ou par un système d’enchères) des quotas aux installations soumises aumarché du carbone. Les installations les plus vertueuses peuvent ainsi revendre aux installations plus émettrices des quotas carbone. Les installations ont aussi la possibilité d’accéder à d’autres actifs carbone :
- des quotas d’un autre système d’échange de quotas reconnu ;
- des crédits issus de financements de projets d’émissions évitées, en dehors du territoire géographique sur lequel s’applique le système d’échange de quotas ou sur des secteurs qui ne sont pas couverts par le système.
La majorité des entreprises n’est cependant pas soumise à cette réglementation. Dès lors, la compensation carbone est dite volontaire et a souvent pour finalité l’atteinte d’une neutralité carbone au niveau de l’entreprise, hypothétique et par ailleurs fortement dénoncée par l’Ademe dans un avis récent2. La raison ? La capacité totale de la planète (reforestation, capture de carbone dans les sols agricoles, etc) est de l’ordre de 367 milliards de tonnes, ce qui représente environ 9 ans d’émissions anthropiques…
Comment compenser ses émissions de façon intelligente ?
1) Faire son bilan carbone (r)
Avant de s’engager dans une démarche de compensation carbone, il convient donc de réaliser son bilan carbone (r) afin d’identifier ses postes d’émissions les plus importants et d’établir une stratégie climat permettant de les réduire en mobilisant les ressources humaines et financières nécessaires. Cette stratégie climat doit aujourd’hui être alignée avec l’Accord de Paris sur le climat afin d’éviter toutes accusations de « greenwashing » qui peut avoir un impact important sur la marque entreprise.
2) Déterminer une stratégie climat robuste.
Une stratégie climat robuste peut ensuite, et seulement dans un deuxième temps, inclure un volet compensation afin de compenser les émissions décroissantes et résiduelles de son activité. Autrement dit, la compensation carbone doit s’inscrire dans un processus dynamique de comptabilisation régulière et de réduction sérieuse de ses émissions.
3) Identifier des projet labellisés afin de compenser ses émissions résiduelles.
Dès lors, une entreprise peut affirmer sa volonté de contribuer à la neutralité carbone et notamment à l’objectif de la feuille de route française de doubler les puits de carbone à l’horizon 2050, en finançant des projets de compensation carbone labellisés afin de permettre l’absorption des émissions dites incompressibles du pays : 80 MtCO2e.
Deux types de projet permettent de répondre à la volonté d’une entreprise de compenserses émissions :
- les projets d’évitement qui ont attrait aux projets de développement des énergies bas carbone ou aux projets permettant de renforcer l’efficacité énergétique ;
- les projets de séquestration qui englobent aussi bien les projets d’accroissement des puits de carbone naturels (projets forestiers notamment mais aussi de séquestration dans les sols - la France dispose d’une capacité de stockage considérable dans ce secteur grâce aux pratiques agricoles dite de conservation des sols - ou les océans) que les projets de séquestration artificielle. Il s’agit ici de technologies de séquestration en développement et qui ne permettent pas aujourd’hui, de concurrencer, en termes de coûts, la séquestration naturelle sur laquelle nous pouvons d’ores et déjà compter.
Le Ministère de la Transition Ecologique a lancé en 2019 le Label bas-carbone. Ce label permet de certifier des projets sérieux de réduction ou de séquestration carbone en octroyant aux porteurs de projets des crédits carbones. Ces crédits peuvent être vendus aux entreprises, collectivités ou même à des particuliers afin qu'ils compensent leurs émissions résiduelles.
En bref.
La compensation carbone est un outil intéressant, dans le cadre plus global d’une stratégie climat ambitieuse de réduction de ses émissions, pour participer à la lutte contre le changement climatique.
Sources :